Apprendre à déguster (2): Précisons le contexte

Apprendre à déguster (2): Précisons le contexte

 

Pourquoi apprendre à déguster le vin?

C’est à la fin des années 80 que cette question a progressivement pris une place essentielle dans mon parcours. À l’époque, mon seul contact avec le vin concernait l’oenographilie mais l’intérêt pour cette collection d’étiquettes commençait doucement à s’émousser…

apprendre à <H2>déguster</H2> - larousse des vins
Je l’ai encore… © JCC

J’ignorais comment approcher le vin autrement que par son apparence, jusqu’à cette nuit blanche de l’hiver 1987 qui allait considérablement changer le cours des choses.

Je me souviens avoir ouvert, en fin de soirée et par défaut, le vieux dictionnaire Larousse des vins qui traînait sur une étagère de ma chambre, essentiellement fréquentée à l’époque par Ramuz, Baudelaire, Rabelais (déjà…), Giono, Tagore et quelques autres…

Ce livre, conçu pour être ponctuellement consulté, je l’engloutis en une nuit. Le voyage qu’il me permit d’initier, je le poursuis encore, chaque jour qui passe. Le souvenir me revient qu’à l’aube, entre le « Y » et le « Z », les paupières légèrement alourdies, j’ai réalisé avoir exploré des domaines qui m’avaient auparavant semblé si hermétiques.

Quel voyage… et « Yquem », dont j’avais déjà entendu parler, n’était pas encore passé…

biodynamie3333Je me suis alors posé une question simple: quel autre domaine que le vin pouvait, aussi naturellement, réunir la capacité de m’éveiller aux notions de botanique, agronomie, géologie, histoire, biologie, culture des peuples, physique, étymologie, ampélographie, économie, chimie et surtout, compréhension de ce qui anime, sans que nous puissions vraiment l’expliquer, ceux qui par tous temps, chaussent leurs bottes pour parcourir leurs rangs de vignes et les soigner, au moins tout autant que leurs propres enfants?

Le pas était franchi, bien plus puissant que mes convictions d’alors. Mes horizons s’ouvraient sans limites, et ma soif (d’apprendre) se montrait proportionnelle…

Je n’ai choisi, ni la vigne, ni la dégustation. Elles se sont imposées comme une évidence. Cette rencontre, je nourris un vrai plaisir à en partager avec vous, plus de vingt ans plus tard, les innombrables prolongements.

Pourquoi consacrer du temps au vin? Voici une question qu’assurément trop peu d’entre nous prennent en compte avant d’entrer dans le monde de la dégustation. Et pourtant, s’il y en a bien une à se poser avant d’entreprendre quoi que ce soit, et sans faux-fuyant… Cherchons-nous une compréhension, une performance, une connaissance, des perspectives de partage, des clés pour mieux consommer, mieux acheter…? Les moyens mis en oeuvre dépendront largement des éléments de réponse à cette question fondamentale.

Le premier article de notre rubrique « Apprendre à déguster » nous a permis de planter le décor global du contexte de la dégustation.

<H2>Déguster</H2> à la Bodega Palo Alto - Argentina
Bodega Palo Alto – Argentina
© Véronique Roelandt

Avant d’entrer de manière concrète dans le vif du sujet, la technique proprement dite, les outils dont nous disposons et les éléments de contenus nécessaires, il me paraît utile de préciser les contours (les horizons en fait) de ce contexte. Et d’en déterminer le réel intérêt…

Partons d’un constat maintes fois relevé: accéder au vrai plaisir procuré par la dégustation, celui qui nous emmène bien au-delà des évidences, ne peut se réaliser sans l’acquisition de certaines compétences, soutenues par des connaissances. Ceci pourrait paraître quelque peu exclusif, si nous ne gardons à l’esprit cet adage:

« La dégustation argumentée est à la portée de la plupart d’entre nous, quel que soit notre degré initial de connaissances ».

Les motivations de ceux qui prétendent le contraire relèvent davantage de leur volonté d’évoluer dans un monde fermé, réservé à quelques initiés, inadapté en fait à la vocation historique d’un produit qui appelle avant tout au partage.

Déguster - Salle de dégustation professionnelle
Salle de dégustation professionnelle

Nous pourrions bien sûr nous contenter d’un jugement global : le vin dégusté est-il bon ou pas? Nous apporte-t-il un plaisir sensoriel, nous laisse-t-il indifférent ou nous rebute-t-il? Pour répondre à ces questions essentielles, nul besoin de technique, de connaissances ou de cours de dégustation. Faire appel à la délicieuse subjectivité de ses propres sens suffit largement. Le vin fait naître une impression d’ensemble qui satisfait, dans un premier temps, la plupart d’entre nous. Pour certains toutefois, ceci n’est qu’une étape.

Pour ceux qui souhaitent dépasser les évidences, aller à la rencontre du vin pour mieux le comprendre, mieux le connaître, mieux le partager, le véritable intérêt de la dégustation ne peut se résumer à un concept aussi limitatif.
Le dégustateur amateur, soucieux d’évolution, ne se contentera pas du rôle de « simple consommateur de produit ». Il gardera à l’esprit que pour réellement apprécier un vin, il est possible de le découvrir et de l’expliquer, non seulement par le biais des sensations perçues, mais aussi par la connaissance de tous les facteurs qui sont intervenus dans son processus de vie, de la vigne au verre. C’est une aventure passionnante.

Apprendre à <H2>déguster</H2> - de la vigne au verre ou du verre à la vigne?

Pour y parvenir, quelques connaissances sont indispensables. Et parallèlement à leur acquisition, plusieurs attitudes gagnent à être privilégiées:

  • Faire preuve d’ouverture d’esprit en évitant les lieux communs et idées préconçues, en dépassant les inévitables clichés liés à notre éducation ou au conditionnement;
  • Suivre ses propres intuitions ou perceptions sans se laisser influencer ou désarmer par les nombreux facteurs extérieurs déstabilisants qui nous entourent au moment de déguster;
  • Considérer le débat d’idées et les divergences de points de vue (de goûts) comme un atout d’évolution dans notre propre parcours d’apprentissage; quel que soit le niveau en dégustation des personnes présentes;
  • Faire preuve de rigueur et de méthode pour toute analyse, du vin le plus modeste au plus grand cru.
Apprendre à construire les éléments du partage
Apprendre à construire les éléments du partage

Enfin, le vrai plaisir de la dégustation ne se limitera pas à la mise en application de connaissances. Une compétence semble s’imposer pour que le plaisir soit encore plus abouti: privilégier avant toute chose le partage des sensations perçues, dans le respect des idées de chacun, car l’approche et la compréhension du vin peuvent se réaliser par de multiples chemins, inévitablement liés à nos sensibilités propres.

Pour conclure ces préliminaires, dont nous avons trop souvent tendance à oublier les fondements, une précision s’impose, élémentaire: l’objectif de nos prochains articles est de fournir les clefs de compréhension indispensables pour approcher progressivement et de manière théorique une technique de dégustation. Une technique que nous ne voulons pas directement liée à une performance mais à un plaisir permettant l’échange.
Par ailleurs, pour se rendre concrètement acteur de son propre apprentissage, il appartiendra à chaque lecteur motivé de s’approprier et mettre en pratique les éléments de connaissances transmis. Vous en conviendrez, il est des devoirs à domicile moins agréables!

Tout cela avec détermination, patience, confiance en soi et bien sûr, modération…

A très bientôt pour l’exploration des premiers éléments très concrets liés à vos futures dégustations!

Q.


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